« La Russie se sinise à marche forcée »


Les présidents russe, Vladimir Poutine, et chinois, Xi Jinping, à Pékin, le 18 octobre 2023.

Les tsars de Russie, qui se sont toujours vus comme les héritiers de l’Empire byzantin, ont adopté son emblème de l’aigle à deux têtes. L’une regarde à l’ouest, l’autre à l’est. Vladimir Poutine poursuit le même rêve, qui se résume pour l’instant à la guerre à l’Ouest et le commerce à l’Est.

Côté Ouest, jeudi 7 mars, les actionnaires de la société Yandex, basée aux Pays-Bas et cotée sur la Bourse américaine Nasdaq, votent la vente de leur principale activité Internet en Russie, soit le principal moteur de recherche du pays (le Google russe), mais aussi la réservation de taxis, la livraison ou le shopping.

Tout cela représente 95 % de la société, et la vente est forcée par les circonstances. Les acheteurs, le management russe épaulé par une filiale du géant pétrolier Lukoil, achète le tout à moitié prix, pour 5,2 milliards de dollars (4,8 milliards d’euros). Et le paiement des actionnaires hors de Russie se fera… en yuans.

Car Moscou se sinise à marche forcée. Si la Russie peut récupérer quelques pépites, comme Yandex, et dispose d’une grande expertise dans l’informatique et les réseaux, elle n’a pas les moyens, notamment matériels, de développer son infrastructure seule pour bâtir un Internet souverain, à l’image de celui de l’empire du Milieu. Et cela est vrai dans tous les domaines.

Grand plan d’investissement

C’est pourquoi Vladimir Poutine a annoncé, le 29 février, un grand plan d’investissement visant à moderniser ses célèbres voies ferrées qui partent vers la Chine. Elles sont deux. Le mythique Transsibérien et le Baïkal-Amour, plus au sud. En tout, près de 15 000 kilomètres de rails à travers les steppes de l’Asie centrale et orientale jusqu’à Vladivostok, au bord du Pacifique.

Une voie idéale pour acheminer l’aluminium et le charbon russes dans un sens et les biens manufacturés chinois dans l’autre sens, y compris des chars et des missiles. Le projet est d’investir une trentaine de milliards d’euros d’ici à 2032, selon l’agence Bloomberg, afin de faire passer la capacité de transport de 150 millions de tonnes actuellement à près de 250 millions de tonnes.

Mais la partie, là aussi, n’est pas gagnée pour le tsar russe. Pour l’instant, les marchandises qui prennent ce train ne parviennent pas à remplir toute la capacité disponible. De plus, le besoin en charbon de la Chine devrait bientôt décroître avec la décarbonation en cours de sa production électrique.

Enfin, la Russie n’est pas sûre de disposer des moyens financiers nécessaires à cette aventure. Et, pour l’instant, les « nouvelles routes de la soie » chinoises, qui poussent vers l’ouest, ne prévoient pas de passer par la grande Russie, trop petit marché aux yeux de Pékin. Le dragon se garde bien de trop nourrir l’aigle bicéphale.



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Catégorie article Politique

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